Avec tes belles manières et ton air distingué,
On t'aurait donné le bon Dieu sans confession
Tu étais le Pater, Dominus dominé
Tu voulais t'affirmer, un point sans concession

Tu venais de très loin, tu t'étais fait tout seul
Aimais-tu rappeler aux convives invités...
Il te fallait honneurs, être duc de Choiseul
pour tenir à la Cour un rang respecté

Un complexe caché de famille déchirée,
Modeste et sans façons mais plutôt fière et digne,
Tu étais le gamin à l'oeil émerveillé,
Aux godillots usés et descendance insigne

Tu nous a bien caché ton complexe et ton ire,
Pour que l'on ne sache pas quel était ton creuset
Et l'on pensait parfois qu'il n'y avait rien à dire
Sur cette famille modeste qui vivait sans secret

Tu aimais les honneurs, les projecteurs sur toi
La flatterie souvent comblait ta vanité
Il te fallait puissance, une lutte de choix
Une cause honorifique à laquelle se vouer...

Politique , artistique, tu étais engagé,
Pour combattre les grands contre les opprimés
Tu apposais toujours une valeur ajoutée
Lorsque tu affirmais ta personnalité !

Tu étais l'orateur,le pourfendeur des gros !
Au premier échelon de tous les syndicats
Tu te voulais Jaurès, il te fallait Malraux
Tu pensais être humble, tu étais potentat...

Avec indifférence, tu te laissais servir,
Avec nonchalance, jusqu'au dernier soupir,
Dernier aristocrate, te serais défendu,
Pourtant les faits réels sont beaucoup plus têtus

Un mot plus haut que l'autre augmentait ton courroux
A table, en société, tu étais Roi Soleil
Revanche de modeste, complexe de caillou,
Tu maniais le verbe à nul autre pareil...

Tu fus de tous les temps un enfant encensé,
Un jeune homme séduisant et super protégé,
De ta mère qui servait, tu passas à ta femme,
Toujours tu fus servi par une ou plusieurs dames.

Avec une indécence dont tu n'as pas idée,
Tu mènes autour de toi une cour surannée
Qui te doit obéissance et puis fidélité,
Et gare à la défiance des insubordonnés !

Tu jettes avec ardeur un propos, dernier fiel,
Avec un talent tel qu'on te croirait cruel
Vieillard cacochyme ne se résigne pas,
Tu lutteras toujours et ce jusqu'au trépas .

Et aujourd'hui encore tu me fais la leçon,
Comme si j'étais encore enfant écervelée,
Comme lorsque tu étais un petit garçon,
Et qu'on te disait quoi et comment penser ...

Si je ne peux répondre, alors quand le ferai -je ?
Devrai-je attendre pour parler que tu sois en terre ?
Dussé-je en souffrir, oui, je tiendrai le siège,
T'as pas toujours raison bien que tu sois mon père !

A jugement abrupt, jugement et demi,
De tous les maux dont tu sais si bien m'affubler,
Je sais, paternité, d'où je les ai tirés,
Et mon intelligence sait en tirer parti.

Tu maudis la vieillesse qui te semble sévère,
Qui semble s'acharner sur ton corps décharné,
Nous sommes tous pareils sur cette pauvre vieille Terre,
Ne compte pas sur moi sur toi m'apitoyer...

Tu mendies mon accord et mon applaudissement,
Tu ne peux l'exiger alors tu ruses encore,
Jusqu'à la fin tu te comporteras céans,
Comme si tu gouvernais Troie, sacré Hector !

Tu me dis que tu pleures, tu penses me toucher,
Je voudrais bien te croire mais laisse moi y penser,
Où étais tu pour moi pendant toutes ces années ?
Où je pleurais aussi , mon cœur abandonné.

Tout le monde s'en fichait, cela est entendu,
Trop occupé du monde, à parcourir les rues,
Je n'en tiens pas rigueur, je n'ai pas de rancune,
Mais ne compte pas sur moi pour te donner la lune.

11 avril 2016